L’ascension du Mont-Blanc exerce une aura indéniable sur les alpinistes. Qu’ils soient débutants et découvrent sur ce sommet le monde de la haute montagne, ou grimpeurs chevronnés rêvant des grands itinéraires de la face italienne : le Mont Blanc fait rêver. Pourtant tout n’est pas rose sur ce Mont, nous ne sommes pas dans les Alpes Valaisanne Outre la fréquentation très importante de la voie normale du Goûter, et l’impression parfois pesante de « se marcher dessus » entre cordées (malgré la délicatesse qu’on essaye d’observer, surtout entre cordées guidées); outre la « cour des miracles » qu’attire ce sommet emblématique; la « voie des bosses » est une « voie (a)- normale par les risques qu’elle comporte…
Faut-il dès lors la condamner à l’oubli ou bien le « jeu » en vaut-il la chandelle ? Libre à chacun d’en décider selon son acceptation du risque et son caractère. Pour ma part, je ne souhaite plus guider sur cette voie normale du goûter !
Portrait d’une ascension en Noir et Blanc.

Le Mont Blanc
La « Grande Bosse » est un rêve autant pour les néophytes qui y voient un objectif évident à gravir (et qui parfois ont comme seule motivation la « croix » à faire sur le sommet le plus haut d’Europe), et pour les passionnés d’alpinisme qui y trouvent à la fois un sommet incontournable de l’histoire de l’alpinisme et un très beau challenge sur ses voies plus techniques. Pour une cordée amateur ou guidée, l’arrivée au sommet est toujours un moment d’émotion et de plaisir qui couronne une journée fatiguante et parfois une ascension technique et engagée !
Sur la voie normale du Goûter lorsqu’on la réalise en trois journées, il faut d’abord surmonter de nuit ou à l’aube le fameux couloir, passage délicat et exposé qui donne accès à un éperon mixte ou rocheux de 600m qui défend le refuge du Goûter. Beaucoup de clients y vivent leur première escalade et en gardent un souvenir intense (ou parfois ému…).
Récompensé par une pause « petit déjeuner bis » au refuge, le sac allégé de toutes les affaires inutiles, la cordée peut reprendre son effort et gravir le Dôme du Goûter par un itinéraire neigeux plus fluide et qui laisse place à la contemplation des Aiguilles de Chamonix, de la Verte ou de Bionnassay. A mesure qu’elle progresse, les effets de l’altitude se font sentir et le souffle commence à manquer pour certains, c’est donc avec soulagement qu’on gagne l’abri Vallot pour une petite pause bien méritée.
Il reste alors à gravir l’arête des Bosses, une succession de ressauts parfois raides et à l’ambiance grandissante. Le Mont Blanc est joueur, et s’amuse des espoirs des alpinistes naïfs qui s’imaginent atteindre le sommet en haut de chaque montée ! Mais bien que la fatigue gagne, la motivation permet de tenir le rythme et l’on gagne le sommet avec le bonheur d’un bel effort.
Les plus chanceux bénéficieront d’un temps chaud et calme, et pourront profiter tranquillement du sommet, puis comme les autres ils redescendront au refuge du Goûter pour un repos et une boisson bien mérités. Ils repartiront le lendemain au petit jour, pour une dernière section technique jusqu’à Tête Rousse, avant de regagner facilement la vallée des souvenirs plein la tête.
Présenté comme ça, l’ascension du Mont-Blanc est idyllique, et les nombreuses bonnes expériences qu’on y vit ont tendance à faire oublier l’envers du décor : c’est le biais de confirmation, un des ennemis insidieux de l’alpiniste ou du skieur…
Le Mont Noir
Mais comment gérer le risque des chutes de pierre dans le trop fameux couloir du goûter ? Bien sûr on est « armé » en tant que pro pour mitiger ce risque au maximum : encordement adapté, efficacité/vitesse, analyse du risque permettent de limiter la casse. C’est déjà beaucoup et grâce à ce savoir faire, le taux d’accident est faible

Lors de mon premier passage en pro, un mois de Septembre, nous n’avions pas été inquiété par des chutes de pierre. Mais quelques jours plus tard, dans des conditions similaires, ce sont des « frigo » qui ont dévalé le couloir, heureusement sans victimes.
Le Lundi, de nuit, une pierre a blessé un guide. Durant la journée des cordées ont traversé sans encombres, entre les pierres. Le Mardi à 5h40, malgré le regel, une importante chute de pierre est venue nous rappeler la « règle du jeu » peu de temps après le passage des dernières cordées du réveil de 4h. Le Mercredi, vers 8h, pendant qu’on déjeunait à Tête Rousse soulagés d’avoir franchit le couloir, une cliente a reçu une pierre dans le casque, pas de bobo sauf pour le casque, mais une grosse frayeur ! Sur trois journées, un début de saison (après c’est souvent pire !), ça fait beaucoup d’avertissements.
Et alors que faire ?


