Quoi de mieux pour terminer les vacances que d’aller se remettre directement dans le grand bain ? Avec cette voie dans l’immense face sud du Mont-Blanc, nous avons été servis ! Le pilier rouge du Brouillard est un superbe élancement de granit qui surplombe le glacier du Brouillard, et qui est relié par une courte arête à la Pointe Louis Amédée (4469m). On peut donc à son sommet rejoindre le Mont-Blanc par l’arête du Brouillard, une deuxième course qui commence et qui vaut largement en difficulté et en temps la première…Sur le pilier rouge du Brouillard
Nous partons jeudi matin à 1h de Monzino avec Thomas, le ventre bien lesté par les délicieuses lasagnes de Mauro et Arianna. Leur accueil est fantastique, digne de la réputation des refuges italiens ! Une longue « marche d’approche » jusqu’au pilier nous attends, 1300m de dénivelé sur une sente puis sur le tortueux glacier du Brouillard. De nuit on suit une bonne trace sans difficultés particulières, les conditions sont excellentes (à part 50m en glace et cailloux). Le faisceau de la frontale qui croise régulièrement des crevasses et séracs monstrueux nous rappel cependant combien nous sommes petits dans cet univers !
Vers 4h40 nous atteignons le bivouac Eccles inférieur, petit tonneau accroché à la montagne au milieu d’un tas de cailloux branlants. Il est d’ailleurs éventré depuis quelques années par une chute de pierre, mais toujours utilisable (6 places de mémoire).
Le refuge Monzino jolimment perché
Belles vues sur l’intégrale de Peuterey
L’arête du Brouillard et les piliers du Brouillard
La bavante du lendemain, le pilier rouge est le beau pilier élancé de gauche
Refuge Monzino
Petite pause à Eccles
Nous repartons après une pause « déjeuner » saucisson/pain, et atteignons facilement la partie supérieure du glacier du Brouillard par un rappel de 25m. La traversée jusqu’au pilier est aisée cette année (une grande crevasse à franchir par un petit mur), et nous atteignons l’attaque de la voie avec les premières lueurs du jour. L’ambiance est absolument merveilleuse à cette heure avec le levé de soleil sur la noire de Peuterey et l’arête du Brouillard.
En deux longueurs assez faciles, nous rejoignons le fil du pilier et son superbe granit, talonnés par Marie et Amandine qui feront toute la course avec nous, un hasard bien sympa pour l’ambiance et l’entraide 🙂
Amandine et Marie dans l’approche
Levé de soleil sur l’arête du Brouillard
Attaque classique
On rejoint le fil du pilier
Vue sur l’approche depuis Eccles
Les longueurs s’enchaînent dans ce raide pilier, toujours très belles et agréables à grimper. L’escalade est souvent physique, mais pas pénible, avec une dominante de fissures, dièdres et cheminées mais une escalade « extérieure ». De nombreuses variantes sont possibles au fil des longueurs, à défaut d’avoir un topo précis nous avons donc navigué au plaisir, avec la présence des relais sur goujons qui permet de suivre le fil… Parcourir cette voie au soleil, avec un panorama magnifique et le glacier du Brouillard sous les chaussons est vraiment un moment de bonheur ! Seuls le poids du sac, et la pensée de Bonatti ouvrant cet itinéraire en 1959 (!!) nous ramènent au thème de la journée : c’est une grande course engagée malgré tout !
Belle rampe fissurée pour attaquer le fil
Vue sur la Noire de Peuterey
Ambiance magistrale
Ca grimpe !
LA veine de Quartz
Marie dans le rétro
De belles fissures/cheminées
On arrive en haut
Nous atteignons le sommet du pilier (4200m) à 11h15, et profitons d’une belle terrasse au soleil et avec de la neige pour pique-niquer et « faire de l’eau » pour remplir les gourdes. Tout le monde le dit, même s’il ne reste « plus beaucoup » de dénivelé (600m sur 2200m), c’est ici que commence vraiment la journée avec le parcours de l’arête du Brouillard…
Nous repartons donc à 12h30 en compagnie d’Amandine et de Marie, en direction de la Pointe Louis Amédée (4460m). La jonction entre le pilier et la base de la pointe est aérienne et grimpe encore sur du beau rocher, puis l’on évolue dans des successions de gradins et arêtes en rochers brisés, l’ambiance change radicalement !
Sortie du pilier
On part en direction de la Pointe Louis Amédée
Encore quelques beaux passages !
Sur la montée à Louis Amédée
On avance bien jusqu’à environ 4350m, où l’altitude me met un gros coup de bambou : nausées puis vomissements, c’est le début du chemin de croix pour moi et une longue lutte avec mon corps pour aller jusqu’au sommet ! Merci à Thomas et aux filles pour le soutien 😉
Après avoir atteint la Pointe Louis Amédée (2h?), on perd beaucoup de temps à cause d’une corde coincée dans le rappel, situation rageante quand il reste autant de chemin à parcourir, mais bien gérée par Marie.
Il reste un peu de chemin…
L’arête du Brouillard est magnifique, autant qu’elle est interminable ! Un ressaut après l’autre, on avance à pas de fourmis sur cet itinéraire d’ampleur gigantesque. C’est une course parfaite pour apprendre la patience… Elle porte également bien son nom puisque nous évoluons souvent à la frontière du brouillard, avec un versant italien bouché et le coté français au soleil.
La température a beau être douce (iso 0°c annoncé à 4000m), une petite brise se fait sentir et avec la fatigue nous sommes de plus en plus congelés. On alterne entre l’été au soleil (c’est même franchement agréable à l’abri du vent), et l’hiver quand on passe à l’ombre !
Sur le fil
Sur le fil
De beaux ressauts
Magnifique vue sur cette grande arête
On arrive au Mont Blanc de Courmayeur !
Une fois gagné le sommet du Mont-Blanc de Courmayeur (4748m), l’arête devient plus roulante, mais avec Tom nous commençons à être épuisés ! Je n’arrive plus du tout à lutter contre le froid, et je finis au sommet avec une polaire, une veste, une doudoune légère et la grosse doudoune : malgré ça il faudra attendre Vallot pour que j’arrive enfin à suer !
L’arrivée au sommet du Mont-Blanc avec le couché de soleil est superbe, et nous récompense bien de nos efforts. On s’offre une minute émotions, c’est la première fois que l’arrivée au sommet me fait pleurer !
Il ne nous reste ensuite plus qu’à descendre jusqu’au refuge du Goûter sur la trace « autoroute » de la voie normale, une « formalité » qui nous a paru bien longue après cette journée… On arrive juste à temps pour un petit repas réchauffé – qu’on n’arrivera pas à avaler – et surtout un bon lit douillet où s’écrouler 😀
Merci pour le partage, ça donne envie de partir avec toi.