Brèche Puiseux en traversée : l’épopée de deux naïfs à Chamonix

La traversée de la brèche Puiseux est un des itinéraires « incontournables » de Chamonix par la qualité du ski et surtout des paysages. Que ce soit dans la montée aux Périades sous la Dent du Géant, ou à la descente du Mallet sous les Grandes Jorasses, on se régale ! Facile d’accès, cette rando est sur-fréquentée mais par les conditions actuelles il était tentant d’en faire notre première ballade chamoniarde avec Cricri… C’était une excellente idée, mais nous avons pu constater nos lacunes : nous allons apprendre à être moins naïfs et à parler (ou plutôt râler) en italien…

Montée dans la brèche Puiseux

Comme c’est souvent le cas à Chamonix (et ça change de l’Oisans !!), la journée commence à la queue des remontées mécaniques. On a de la chance, ça avance doucement pour l’achat du forfait de Cricri mais ensuite on peut prendre directement la benne, l’affluence est modérée. Je ne sais pas s’ils étaient tous dans la première benne, mais il n’y a pas d’énervés avec nous, l’ambiance est détendue et loin de la caricature de Cham’.
Au sommet de l’Aiguille, c’est très hétéroclites entre de petits groupes efficaces, des flâneurs, et des groupes plus lents : ça permet de bien répartir le monde dans la vallée blanche et donne l’impression d’être peu nombreux 🙂 On est par contre étonnés de voir déjà un secours après 50m de descente, c’est pas de bol… Il va falloir s’habituer aux avions et hélicos qui circulent beaucoup ici !

Comme on ne connaît pas bien la vallée blanche (pour moi c’est la première !), on descend par l’itinéraire classique en contournant le Gros Rognon : c’est sympa mais en terme de qualité de ski et d’ambiance, on préférera la prochaine fois le Grand Envers ! La neige a évidemment été bien traffolée, on trouve même de belles bosses dans les étroitures plus raides. De façon prévisible, c’est après avoir dit à Cricri que je trouvais ça « pas si dur à skier » que je me retrouve la tête enfoncée dans la neige et les semelles qui font coucou au Tacul ! A part ça, tout se déroule tranquillement jusqu’à atteindre la base du Glacier des Périades où quelques groupes s’équipent.

On doit avoir un bon Karma, car on attaque la montée isolés entre deux pelotons. On profite donc dans le calme de cette ambiance imposante ! La trace est confortable et la montée passe vite quand on découvre les paysages… On n’avance pourtant pas comme des avions car on sent déjà l’effet de l’altitude, c’est l’inconvénient du « catapultage » en altitude par la benne.

Grace au rythme de Cricri, on arrive au pied du couloir juste après avoir doublé un premier peloton. En s’équipant de façon efficace, on arrive à en doubler un second pour se retrouver isolés entre deux groupes de nouveau ! C’est ces petits détails qui font que durant toute la montée, on aura l’impression d’un itinéraire relativement calme alors qu’il y a foule. Rien ne sert de courir, il faut s’intercaler ;-p
La montée à la Brèche Puiseux est très bien tracée mais épuisante avec l’altitude ! Et surtout, le dernier tiers est au soleil et avec l’encaissement c’est un four en mode pyrolise qui nous attend… Ne pas négliger une bonne préparation physique pour cette course dont le déniv peut paraitre débonnaire 🙂

Jusqu’ici tout allait donc pour le mieux ! Armés d’un bon Karma, nous avions réalisé la « course parfaite » pour profiter calmement des lieux… Lorsque nous atteignons le sommet du couloir les rappels viennent de se libérer et nous avons un super créneau pour descendre avant la foule, mais nous partons à la découverte du bivouac des Périades, superbe petit perchoir de luxe pour trois personnes. Il doit être très prisé à la Saint-Valentin !
J’ai alors la très mauvaise idée de sortir le pique-nique pour savourer la vue et nos maquereaux, en pensant naïvement que la plupart des groupes guidés se « précipiteront » sur les rappels libres à la brèche… Réflexe d’amateur d’Oisans sauvage qu’il va falloir perdre ici 😀 En quelques minutes, le petit périmètre autour du bivouac se remplit et il devient difficile de tenir tous sans envoyer quelqu’un dans le vide en se grattant le nez… Pas le temps de commencer les rappels avant la foule, ça vire à la foire d’empoigne avec des leaders qui doublent comme des bourrins pour accéder au rappels : palme d’or pour celui qui a bousculé deux personnes et a ancré ses piolets dans le bivouac pour doubler !!

Heureusement que j’ai acquis de la patience ces dernières années, car l’attente fut longue avant de pouvoir décoller du bivouac ! N’ayant pas envie de nous battre, on attendra de passer en derniers en pensant qu’il vaut mieux se régaler du paysage. 1h30 plus tard, nous installons donc la corde un peu à l’écart et attaquons la descente en parallèle d’une équipe d’italiens qui galère depuis des lustres avec une corde trop courte et de belles paires de bras cassés… Notre Karma nous signifie qu’il ne peut pas non plus tout régler, et on se retrouve à attendre que les italiens finissent leur descente sur notre corde, comme ils ne peuvent désescalader la fin du rappel !
Tout va bien, on est zen, il fait beau, je peux enfin récupérer ma corde.
[accent anglais pire que le mien] « There is third people to go ? I forget my rope up »
Non, personne pour récupérer la corde, c’est ballot… Alors il remonte à deux à l’heure sur la notre, et la patience s’use !!
 » Cricri, tu dis comment bras cassé en italien ? Je sais juste leur dire d’aller se faire **** :/ »
Cricri ne parle pas italien, alors je m’allonge dans la neige la tête dans les mains : ça va ils comprennent bien le langage corporel les italiens…. Bon, ils étaient pas méchants, et ils ont enfin pensé à s’excuser, mais on aura appris à être moins naïfs dorénavant !! Et si quelqu’un sait dire « bras cassé » dans toutes les langues, je veux bien apprendre pour une autre occasion 😀

Enfin sur les skis !

Alors qu’on chausse les skis, on entend se jouer un drame parallèle dans les rappels de la brèche : cette fois c’est une cordée de deux qui se déchire, l’une est morte de fatigue, l’autre veut la forcer à descendre malgré cela… Belle ambiance pour leur baptême d’hélico, et nous on se dit qu’on était pas les plus mal lotis !!
On fait la descente avec une cordée de deux très sympas. La neige est bonne et c’est fantastique de faire ses virages dans une telle atmosphère sous les Grandes Jorasses ! Le ski de rando est une belle opportunité de parcourir des lieux autrement durs d’accès.

 

Une fois sortis du glacier du Mallet, la jonction avec la Mer de Glace nous fait passer par la moraine qui est très ludique. On y croisera plusieurs cairns qui balisent l’accès estival au Couvercle, ça nous rappelle de beaux souvenirs. La mer de glace a été bien décapée par le vent, il faut donc faire attention aux cailloux mais ça passe très bien ! La remontée à la buvette des Mottes est moins agréable car bien glacée, il n’est pas inutile de remettre les crampons…
Après une petite bière, on se laisse descendre jusqu’à Chamonix, c’est encore bien enneigé et c’est un bonheur de finir cette belle journée sans remontées, avec les lumières chaudes de la fin d’après-midi !
Encore une course qui mérite bien son statut de classique.

Sous les Mottets

 

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