De mes premiers pas en autonomie avec les stages « Montagnes de la terre » aux bancs de l’ENSA (École Nationale de Ski et d’Alpinisme), c’est un long parcours qui s’achève ce mois de Juillet par la réussite au probatoire du guide ! Et une belle aventure qui commence en Septembre avec au programme un peu plus de trois années de formation, et la possibilité de commencer à travailler « sérieusement » en tant qu’aspirant-guide en Juillet prochain… Pour continuer à faire vivre ma passion des Alpes ! Retour sur 3 années de préparation…

Passer le proba du guide est toujours une longue histoire : à minima, il faut trois ans pour compléter la liste de course (39 voies sont demandées sur une période d’au moins trois années) permettant de s’inscrire à l’examen ! Le plus facile est fait, et nombreux sont ceux qui ne réussissent les épreuves techniques qu’après plusieurs essais…
Pour ma part j’ai décidé de me lancer dans le grand bain en 2016 après avoir constaté que mon boulot d’ingénieur ne m’épanouissait plus, au contraire de l’encadrement bénévole en alpinisme que je pratiquais à fond depuis deux années. Pour passer de la salle blanche à la Vallée Blanche, il allait falloir s’entraîner sérieusement !

Après une dizaine d’années à crapahuter dans les Écrins, il ne me manquait pas beaucoup de courses pour obtenir le « précieux sésame ». Une bonne disponibilité pour faire le mixte et quelques « guet-apens » tendus aux copains et en Décembre me voilà à la poste avec le dossier d’inscription dans les mains…
Une fois tombées les premières neiges, c’est lesté de toute mon innocence et d’un sac de 20Kg que j’entreprends de préparer la première épreuve du probatoire : la tant redoutée épreuve de ski, qui « vaporise » chaque année un tiers des candidats dès le mois de Mars. Car à l’ENSA les espoirs sont vites douchés, chaque épreuve est éliminatoire…
J’arrive le jour J la bouche en cœur et me retrouve bien vite dans le bain : l’ambiance est tendue et tout le monde est sur les nerfs ! La liste de courses est examinée le premier jour par un jury de deux personnes, une épreuve stressante mais qui se passe bien quand la liste est sincère.
C’est le soir au briefing que ça se complique pour moi quand je découvre que l’épreuve de ski se joue à la descente et qu’une très bonne technique est attendue ! La catastrophe se confirme le lendemain. J’ai plus de 30mn d’avance sur la barrière horaire à la montée, mais je réalise une descente digne des bronzés. Avec 4,5/20 et 9/20, je suis loin du compte et mon passage au « bureau des pleurs » pour un debriefing ne fais que confirmer l’évidence : je dois prendre des cours de ski !!

Retour à la poste en Décembre 2017, avec en plus du dossier d’inscription au proba celui pour le CRET : cet organisme qui dépend de la CCI Hautes-Alpes organise des formations aux métiers de la montagne et notamment au probatoire du guide !
Avec trois semaines en Janvier et Février, je vais pouvoir découvrir et acquérir les notions techniques exigées par l’ENSA. J’apprendrai dès le premier jour que je ne suis doté ni « d’anticipation », ni de « dissociation » et encore moins de « jeu vertical ». Allégé de mon égo, je vais pouvoir faire de gros progrès grâce à quatre formateurs au top et des journées qui nous laissent chaque soir sur les rotules ! Les matinées sont consacrées au travail technique : d’abord des éducatifs pour (re-)voir les bases du ski, puis des tracés imposés en hors-piste qui nous poussent dans nos retranchements et provoquent des chutes parfois spectaculaires…
Les après-midi sont souvent consacrés à faire du volume sur de grands hors-pistes : attention, essayer de suivre un formateur dans les sapins est une activité à risque 😀
En Mars 2018, je prends le départ de l’épreuve de ski pour la seconde fois. J’ai réussi les deux proba blanc organisés par le CRET et je suis au niveau physiquement. Heureusement car cette année la montée est particulièrement exigeante : 1500m de D+ à 700-750m/h avec un sac de 7Kg et un peu de plat, le parcours verra beaucoup de hors-délais dont certains seront repêchés… De mon coté je chute bêtement au second atelier en voulant être trop offensif, ça ne passera encore pas cette fois…
Pas question de se décourager pour autant, je suis bien décidé à poursuivre l’aventure et à me donner toutes les chances pour 2019 ! En Mai il reste des places au CRET et je peux participer aux formations estivales (voir la vidéo du CRET) sur la semaine de terrain varié (épreuve en grosses chaussures du proba, escalade/désescalade/course dans les blocs) et de course d’orientation. En Juillet je quitte mon travail d’ingénieur pour me consacrer à plein temps à l’entrainement : ce sera l’événement décisif car en étant plus disponible moralement et physiquement, je vais pouvoir « muter » et atteindre un niveau suffisant pour aller sereinement au probatoire…
Le plus délicat pour cette troisième année de préparation sera de gérer l’impact qu’elle a sur les autres, et surtout sur ma compagne… La pression de la liste de course (qui a changé en 2018, et encore cette année) qu’il faut renouveler et améliorer pousse parfois à faire de mauvais choix. De manière générale, chaque sortie prend un caractère d’entrainement et parfois le plaisir passe trop au second plan… Merci Cricri pour ta patience et ton soutien 🙂

En Décembre 2018 rebelote : la poste achemine mes dossiers à l’ENSA et au CRET, je retourne faire mes gammes à Serre-Chevalier, et j’arrive au proba ski avec une marge plus confortable pour ce troisième round ! Pas de KO technique.
Le printemps se passe très vite entre sorties à ski pour découvrir les alentours de Passy où nous avons déménagé et entrainements d’escalade !
Début Mai 2019 commence la dernière ligne droite. Sept semaines d’entrainement dont 5 au CRET afin de « poncer » chaque épreuve et acquérir une forme physique d’enfer. L’escalade en grosse, la course dans les blocs, le cramponnage en 10 pointes et l’orientation n’ont plus (autant) de secrets pour nous ! Le groupe est homogène et très soudé, ce qui nous tire tous vers le haut (plus de la moitié de la promo est passé par le CRET !!)… La septième semaine est consacrée à l’évolution en montagne avec deux jolies courses autour du refuge Adèle Planchard : il faut bien ça pour se rafraichir les idées après avoir fait les « hamsters » en fonds de vallées !
Après une semaine de repos total, voilà le moment du sprint final : le probatoire reprend avec une semaine d’épreuves techniques. Au menu : orientation le lundi après la remise des dossards, glace le mardi au Tour, terrain varié le mercredi à Vallorcines et escalade le jeudi à Gietroz !
La première épreuve est peu sélective, nous avons 1h30 pour trouver 6 balises « faciles » sur un parcours de 300m de dénivelé et quelques kilomètres. Une seule personne est éliminée.
C’est à la glace (l’épreuve de 2011 en vidéo) que ça se jouera cette année. Nous sommes notés sur deux ateliers « 10 pointes » avec piolet classique, plus un atelier de piolet traction. Sobriété, efficacité et sureté sont exigées pour obtenir la moyenne, et seuls 50 candidats seront admis sur les 75 qui ont pris le départ !! Autant dire qu’en ayant mon nom sur la liste ce soir-là, il fut difficile de me calmer pour dormir…
Au terrain varié on nous proposera une épreuve « accessible » avec une voie de dalle en grosses (6a sur petites réglettes), une désescalade sans surprises et un parcours de bloc très roulant où l’on peut lâcher les chevaux…
Reste l’escalade qui est pour moi l’épreuve la plus stressante, on nous impose deux voies en 6c qu’il faut parcourir à vue et avec un temps contraint : la réussite d’une des deux voies conditionne le succès de l’épreuve. Bien qu’ayant de la marge sur le niveau, la gestion du stress est délicate et celui-ci peut faire tout foirer…

Maintenant que nous avons réussi toutes les épreuves techniques, la pression a bien diminué mais il faut rester concentré : il reste la « semaine d’évolution en montagne » durant laquelle nous sommes évalués sur notre capacité à réaliser des courses en sécurité et à transposer en « milieu réel » les capacités démontrées au probatoire.
Après une journée de révision des manips de sécurité aux Gaillands avec notre groupe (3 candidats pour un jury, avec 2 groupes qui fonctionnent en binôme), tout le monde est sur la même longueur d’onde et nous préparons notre première course à la bibliothèque de l’ENSA : escalade en grosses à la Rébuffat de l’éperon des cosmiques.
Une météo moins clémente que prévue nous fera changer de plan et nous réaliserons la course prévue pour le lendemain : la classique traversée Midi-Plan en aller/retour. Les conditions sont moyenne, c’est déjà très sec en faces N…
Nous poursuivons avec la voie normale du Peigne, une belle classique rocheuse qui met à l’épreuve nos capacités d’adaptation en évolution simultanée !
Le jeudi nous changeons de jury et de type de course : on va grimper sur le beau granit du Grand Capucin dans la voie des Suisses (sortie O Sole Mio), une journée fabuleuse…
On finit la semaine par une autre voie de « trad », cette fois sur le Gneiss du Brévent : ce sera une voie récente qui propose une fissure magnifique en troisième longueur, « Retour à la Bretagne ».
Vendredi aprèm après le débrief individuel avec notre jury, c’est la délivrance : je suis admis au probatoire et je vais entrer en formation en Septembre… Un grand calme s’installe à la place de toute la pression accumulée ces dernières semaines !! Et bientôt c’est une autre pression plus savoureuse qui m’envahit 😉
Un nouveau chapitre commence, et j’ai hâte d’en écrire les pages !
Waouh! Quel parcours depuis 10 ans! (les Bans 2009) tout laisser tomber et repartir sur les bancs de l’école. Recommencer les classes préparatoires et finalement réussir l’admission. Bravo. J’aurais plaisir à faire partie de tes futurs clients. Amicalement.
Hello Rob,
On ne se connaît pas vraiment même si je t’ai croisé un matin au sommet du râteau il me semble… cependant j’aime beaucoup tes comptes rendus de sortie et ton site internet.
Il m’a d’ailleurs bien servis la semaine dernière pour aller faire la Desmaison au pic de bure. Je t’en remercie
Tout ça pour te dire félicitations pour ton entrée dans le monde professionnel de la montagne! La route est longue est exigeante.
J’espère pouvoir faire la même chose d’ici quelques années… qui sait?
Profites à fond et restes prudent.
Kevin
Merci beaucoup pour ton message 🙂 C’est possible qu’on se soit croisé au râteau, j’y ai trainé quelques fois ! Sur la voie normale coté Ouest ou ailleurs ?
Bon courage pour le probatoire si tu t’y lances, faut voir ça comme une épreuve d’endurance 😉 Si tu as besoin de conseils hésites pas à demander (sur la liste, les formations, les épreuves, …)
Rob
Belle histoire qui finit bien !!