Retour dans les Écrins : La Livanos à Sialouze

On me parle du granit de la face SW de Sialouze depuis des années, il était donc plus que temps d’aller vérifier si sa qualité est bien au rendez-vous. La Livanos se prête bien à une première visite : chargée d’histoire (cette ouverture de haut niveau à l’époque fut une grande classique difficile), esthétique, elle permet d’aborder cette paroi criblée de nombreuses voies modernes « avec respect » pour celui qui apprécie la culture alpine du massif. Malgré les cotations modestes, elle reste délicate et parfois exposée et saura remettre l’égo des grimpeurs à leur juste place !

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La fameuse longueur de renfougne

Après avoir passé deux très belles journées de tutorats à la Grave avec 82 4000 solidaires, je rejoins Raph à 17h au parking d’Ailefroide pour attaquer la montée en refuge. On a prévenu Raoul (le gardien du Sélé) qu’on arriverait surement en retard, mais on se met quand même la pression pour arriver un peu avant l’heure de la soupe à 19H. Celle-ci est donc la bienvenue pour s’hydrater et sera suivi d’une « longue hydratation » au génépi en cuisine jusqu’à 1h du matin. Des conditions idéales pour être en forme le lendemain ;p
Nous partons après une « grasse matinée d’alpinistes » à 7h45 du refuge, et rejoignons une cordée au départ de la voie. Soleil et bonne compagnie, la journée s’annonce pas mal.

Pendant que nos voisins s’égarent dans une variante de départ humide, nous réalisons que nous ne sommes pas au bon endroit et rejoignons le bon dièdre d’attaque, ce qui nous permettra de rattraper notre retard et de passer devant sans se gêner… La première longueur est mouillée et froide, la seconde ne réchauffe pas l’ambiance : c’est une dalle de 40m en V avec un peu de friction, dans un rocher compact qui autorise à poser 2 mauvais friends ! Ça confirme que les anciens avaient autant de moral que de talent, et que nous n’allons pas « rouler » dans les longueurs « faciles » (nota bene : je sais pourtant très bien que le IV et le V n’ont jamais été faciles….).

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Le dièdre d’attaque

De façon tout aussi habituelle, la quatrième longueur qui est vendue comme exposée dans les topos ne l’est pas plus que ça… On peut cheminer facilement par un crochet à gauche et même si c’est improtégeable, je préfère tomber de 5m sur une vire que de 40m par terre ! (nota bene : je sais pourtant que les mots ont un sens qui varie dans les topos 😀 )
L’ambiance étant désormais bien posée après quatre longueurs, nous cheminons  donc avec plaisir dans les dalles entre deux points lointains (il ne faut pas chercher trop longtemps les rares pitons, et on n’usera pas trop la peinture des friends dans cet itinéraire), en nous délectant du fameux « croustillement » des grains de granit qui se délogent sous les chaussons. C’est ici une particularité du granit de Sialouze qui, s’il est très adhérent, est aussi très granuleux et un peu friable.

Une traversée « psycho » en IV+, les pieds sur une dalle croustillante, et les mains en dulfer qui nettoient le sable, nous mène sous la section clef de l’itinéraire. Trois longueurs en V+/6a soutenues et raides. Le respect qu’on avait pour les anciens, leurs grosses, et leurs coins de bois et pitons est toujours à la hausse, une valeur bien plus sûre que le CAC40 !

Raph s’étant brillamment extirpé de la renfougne, qui n’est pas horriblement difficile ni exposée (on peut protéger avec des friends moyen en bas, petits et gros en haut), je le suis péniblement avec les deux sacs et nous filons vers le sommet avec les râles de nos compagnons d’un jour comme fond sonore. C’est toujours un plaisir sadique d’entendre souffrir son prochain une fois sorti de la même misère 😀

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Prendre un friend #4 ou un Raph pour protéger la fissure/cheminée

Un peu de grimpe moderne dans la dernière longueur d’une voie Cambon nous permet d’atteindre directement les relais de rappel, qui sont excellents, et nous filons vers nos grosses, le sentier, et la cuisine de Raoul…
La soirée nous voit couchés un peu plus tôt, mais debout à 3h15, et nous allons nous « reposer » à l’Ailefroide Orientale. Une préparation idéale pour faire le lendemain le Pilier Sud de la Barre des Écrins à la journée avec un autre copain !

Un commentaire sur “Retour dans les Écrins : La Livanos à Sialouze

  1. salut Rob, c’est le râleur de la première longueur clé. ah oui j’ai peiné dans L9. elle m’a semblé la plus exigeante et physique de la voie. j’ai mis du temps à reprendre mon souffle après le dernier redressement, d’où ces râles victorieux. il faut dire qu’on portait un paquet de quincaillerie, trop! la  moitier n’a pas quitté la bandoulière de la journée.
    c’était un plaisir de partager cette belle aventure avec vous. rassurant également. Chapeau pour votre clairvoyance après l’épreuve de l’entonnoir!
    Bonne suite dans votre formation de guide. Félicitations pour ce blog. La qualité de tes photos ainsi que tes récits de courses donnent envie de te suivre.
    Matthieu.

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